contone / trait / vectoriel

Cette partie est tirée d’un post de Claude72 (merci Monsieur) qui intervient sur différents forums (macgénération, macbidouille, …), je le reproduit ici avec son accord. En effet, il eut été dommage que ce travail disparaisse au fin fond du net (les images n’étant pas toujours présentes sur les divers posts ou ce « petit pavé » était présent.

Les images de type bitmap (donc issues de Photoshop) contones (contone = images à tons continus = mode « Niveaux de gris » et « CMJN » de Photoshop) ne peuvent pas rendre correctement les contours des éléments après rastérisation, et il subsiste toujours une impression de « flou » particulièrement flagrante et gênante sur les textes.

Ce flou est dû à la rastérisation des images contones Photoshop qui ne sait pas « couper » correctement et exactement les points de trame le long du contour défini (un bloc, un filet ou un caractère) pour empêcher des « morceaux » de points de dépasser de ce contour. Et ce sont ces « morceaux » de points de trame qui dépassent qui engendrent le flou, flou d’autant plus visible et gênant que la trame d’impression est grosse et les caractères petits. (à noter que dans ce cas, et dans la mesure où elle est au moins égale à la trame d’impression, la résolution originale n’intervient quasiment pas sur la mauvaise qualité du texte, donc il est inutile d’espérer une amélioration en augmentant la résolution).

En revanche, le mode vectoriel sait couper exactement les points de la trame le long du contour défini et permet une impression parfaitement nette, quelle que soit la trame utilisée.

L’œil de l’imprimeur a appris à voir les défauts de flashage/impression d’un texte pixellisé en travaillant avec un compte-fil : en examinant les films, en superposant les films lors du montage, en examinant les plaques (après copie ou en sortie de CTP) et en contrôlant les feuilles en sortie de presse (entre autre pour corriger les défauts de repérage).

Bon, d’accord, il est rare que les clients examinent leurs affiches au compte-fil… (on me l’a déjà dit), mais il ne faut pas oublier que l’œil, comme tous les autres sens humains, est très subjectif, et peut « ressentir » des choses qu’il ne voit pas réellement : les défauts de flashage et d’impression d’un texte pixellisé ne se voient réellement qu’au compte-fil, mais à l’œil nu, un œil exercé ressent (plus qu’il ne le voit réellement) un flou autour des lettres, alors que l’œil non-éduqué du client (ou du « graphiste » qui n’a pas appris à voir ce défaut) ne le voit pas.

À ce problème de manque d’éducation de l’œil, il faut ajouter une trop grande confiance dans la correspondance entre l’affichage à l’écran et le résultat imprimé, alors que la feuille de papier qui sort de la machine n’a rien à voir avec ce qui est affiché à l’écran, et ceci pour deux raisons majeures :

  • l’écran de l’ordinateur travaille en synthèse de couleur additive (RVB), alors que l’impression sur le papier travaille en synthèse soustractive (CMJ+N).
  • chaque pixel de l’écran peut prendre indifféremment un mélange de 256 valeurs de chaque couleur primaire, ce qui lui permet d’afficher 256 x 256 x 256 = 16777216 couleurs différentes, alors qu’une impression sur une presse offset en quadri ne sait faire que 2 états de chaque couleur primaire (« y’a de l’encre » ou « y’a pas d’encre »), soit 8 couleurs différentes : (blanc, noir, cyan, magenta, jaune, bleu (cyan+magenta), rouge (magenta+jaune) et vert (cyan+jaune) : l’écran ne fait que simuler à peu près ce que la presse offset imprimera, ou la presse offset fait ce qu’elle peut pour essayer de ressembler à l’écran… on prend ça dans le sens que l’on veut, mais à la fin il n’y a pas sur le papier la même chose que sur l’écran.

Je comprends bien que ces notions essentiellement techniques du flashage et de l’imprimerie sont difficilement visualisables et imaginables pour quelqu’un qui ne voit le résultat que sur son écran … aussi, pour ceux qui n’ont pas (ou pas eu) la chance d’avoir à côté d’eux une flasheuse, des plaques, quelques presses offset et un compte-fil, je vous ai sorti des images légèrement agrandies du résultat après flashage à 2400 dpi en trame 150 lpi (donc comme si c’était imprimé en offset) d’un texte en Times Roman, corps 8 points, réalisé de trois manières différentes (et à différentes résolutions) :

> vectoriel dans XPress
> « au trait » dans Photoshop
> niveaux de gris (contone = tramé) dans Photoshop

Les images qui suivent sont les images bitmap qui sont réellement créées (rastérisées) par mon RIP (un Viper 3) à partir d’un fichier PostScript et qui sont normalement envoyées à la flasheuse. Je les ai « dérivées » pour les récupérer sur un disque-dur au lieu d’insoler le film, c’est donc exactement ce qu’il y aurait eu sur le film. Ensuite, je les ai simplement agrandies 33,33 fois (c’est à dire passées des 2400 dpi de la « flasheuse virtuelle » aux 72 ppi théoriques de l’écran) et transformée de noir en cyan pour améliorer la visibilité du liseré rouge que j’ai placé manuellement autour de certains caractères pour matérialiser le contour réel du caractère vectoriel (placé devant ou derrière, selon le caractère).

1 – AB0 : texte vectoriel réalisé dans XPress. Le 70% et le 40% sont faits en modifiant la teinte du texte dans XPress (le vectoriel sort toujours à la résolution du périphérique de sortie, donc ici en 2400 dpi).

Ce sont des caractères parfaits ! Leur forme est exactement celle qui est définie par la police vectorielle, y compris dans les versions tramées à 70% et à 40%.

À noter que les points de trame qui sont à cheval sur les contours sont « coupés » et la partie excédentaire a été supprimée par le PostScript pour suivre exactement le contour sans dépasser.

2 – AB3 : texte réalisé dans Photoshop, en mode niveaux de gris (image contone) à 2400 ppi, pixellisé et enregistré en TIFF. L’image TIFF est ensuite importée dans un bloc XPress. Le 70% et le 40% sont faits en modifiant la teinte du texte dans Photoshop, puis pixellisation et importation des 2 images TIFF différentes dans 2 blocs image de XPress, sans qu’aucune modification ne soit ensuite faite à l’image dans XPress.

Voilà, c’est ça du texte sous Photoshop.

Et c’est crade ! et je n’ose même pas imaginer ce que ça donnerait dans un texte en blanc sur un fond coloré (j’ai une annonce presse qu’une agence de com m’avait envoyé en JPEG, que j’ai imprimée telle quelle parce que je n’avais ni le temps ni la « moëlle » pour leur demander un vrai travail correct de PAO en EPS vectoriel : je la rastérise, et je la met en ligne dès que je la retrouve…). Et pourtant je n’ai pas lésiné sur la résolution : 2400 ppi ! 2400ppi/150lpi = un facteur de qualité de 16, ça devrait être nickel !!! Eh bien non, pour une raison simple : c’est en mode « Niveaux de gris » donc le caractère doit être tramé pour être imprimable (et il est tramé à la rastérisation même si il est à 100 %). Donc ce que vous voyez, ce ne sont plus des pixels, mais les points de trame qui ont été fabriqué par le RIP à partir des pixels de l’image.
Et (j’insiste…) le gros problème de Photoshop, c’est qu’il ne sait pas couper correctement les points de trame le long du contour pour empêcher des « morceaux » de dépasser du contour du caractère. Ce sont ces « morceaux » de points de trame qui dépassent qui engendrent le flou.

Ici le facteur de qualité est donc de 16 : ça veut dire que chaque point de trame est fait à partir de 16 x 16 pixels de l’image. Donc dans un premier temps, ça ne sert à rien d’avoir une résolution aussi élevée pour une image tramée, puisque 256 pixels sont « fondus » ensemble pour faire un seul point de trame à 150 lpi, mais en plus tous les détails qui auraient pu exister dans ces 256 pixels sont aussi fondus ensemble et détruits …

3 – AB4 : texte réalisé dans Photoshop, en mode niveaux de gris (image contone) à 1200 ppi (soit un facteur d’échantillonnage de 8), pixellisé et enregistré en TIFF. Le reste du processus est exactement identique à « AB3 » y compris pour le 70% et le 40%.
AB4
C’est crade… pas tout à fait pareil qu’à 2400 ppi, les points de trame changent un peu de place, mais aussi crade !!!

4 – AB5 : texte réalisé dans Photoshop, en mode niveaux de gris (image contone) à 300 ppi (soit un facteur de qualité ou facteur d’échantillonnage de 2), pixellisé et enregistré en TIFF. Le reste du processus est toujours exactement identique à « AB3“, y compris pour le 70% et le 40%.
AB5
Bon, ben, aussi crade…

5 – AB6 : texte réalisé dans Photoshop, en mode niveaux de gris (image contone) à 225 ppi (soit un facteur de qualité ou facteur d’échantillonnage de 1,5), pixellisé et enregistré en TIFF. Le reste du processus est encore exactement identique à « AB3 », y compris pour le 70% et le 40%.

Encore tout crade… pareil qu’à 2400 ppi… et pourtant on est à une résolution de 225 ppi seulement : 10,66 fois moins que AB3 : l’image est ici 113 fois moins lourde, et pourtant c’est aussi crade (avec des points de trame qui changent encore un peu de place…) Les mêmes rapprochés pour comparer plus facilement entre les 4 résolutions :

En revanche, Photoshop sait aussi faire des images en mode « Bitmap », ou « au trait » : ce mode n’utilise que deux « états » : noir ou blanc, c’est à dire « éteint » ou « allumé ». Et la presse offset peut reproduire exactement ces deux états par « il n’y a pas d’encre » ou « il y a de l’encre ». Donc, elle peut reproduire exactement les pixels de l’image et de l’écran et n’a pas besoin de l’artifice de la trame : les images « au trait » sont donc rastérisées très différemment des images contones, et n’ont pas les problèmes de reproduction dûs à la trame des images contones.

6 – AB1 : texte réalisé dans Photoshop, en mode bitmap (« au trait » – « one bit ») à 2400 ppi, pixellisé et enregistré en TIFF. L’image TIFF est ensuite importée dans un bloc XPress. Le 70% et le 40% sont faits en modifiant la teinte de l’image dans le bloc image de XPress.

Si on compare avec « AB0 », on voit que la forme du caractère est parfaitement respectée : le caractère à 2400 ppi « au trait » est parfaitement identique au caractère vectoriel flashé à 2400 dpi (aux « hints » près). (En mode bitmap à 2400 ppi, les fonctions texte de Photoshop sont donc utilisables : attention cependant à la taille des fichiers : 60 Mo pour une page A4).

7 – AB2 : texte réalisé dans Photoshop, en mode bitmap (« au trait » – « one bit ») à 1200 ppi, le reste du processus est identique à « AB1 ».

Si on compare avec « AB0 », on voit que la forme du caractère est également respectée, mais les pixels sont deux fois plus gros, puisque la résolution est de moitié. (En mode bitmap à 1200 ppi, les fonctions texte de Photoshop sont parfaitement utilisables : avec des fichiers d’une taille plus raisonnable : 15 Mo pour une page A4).

Un montage des mêmes images en PDF (donc grossissables presque à volonté et imprimables)